Janvier 2004 : « Si quelqu’un a deux tuniques, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ; si quelqu’un a de quoi manger, qu’il fasse de même. » (Lc 3, 11)
« Si quelqu’un a deux tuniques, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ; si quelqu’un a de quoi manger, qu’il fasse de même. » (Lc 3, 11)
En cette période de l’Avent, qui nous prépare à Noël, la figure de Jean le Baptiste nous est proposée. Dieu l’avait envoyé préparer le chemin du Messie. À ceux qui accouraient vers lui, il demandait un profond changement de vie : « Produisez donc des fruits qui témoignent de votre conversion ». Et à ceux qui lui demandaient : « Que nous faut-il donc faire ? », il répondait :
« Si quelqu’un a deux tuniques, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ; si quelqu’un a de quoi manger, qu’il fasse de même. »
Pourquoi donner à l’autre ce qui m’appartient ? Créé par Dieu, tout comme moi, l’autre est mon frère, ma sœur ; il fait donc partie de moi. « Je ne peux pas te faire de mal sans me blesser » disait Gandhi. Nous avons été créés comme un cadeau les uns pour les autres, à l’image de Dieu, qui est Amour. La loi divine de l’amour est inscrite dans nos veines. Jésus, en venant au milieu de nous, nous l’a révélé clairement en nous donnant son nouveau commandement : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés ». C’est la « loi du Ciel », la vie de la Trinité reproduite sur la terre, le cœur de l’Evangile. De même que le Père, le Fils et l’Esprit Saint vivent au Ciel une pleine communion, au point de n’être qu’un, ainsi sur terre nous sommes nous-mêmes dans la mesure où nous vivons la réciprocité de l’amour. Et tout comme le Fils dit au Père : « Tout ce qui est à toi est à moi », entre nous l’amour s’actualise pleinement lorsque nous partageons non seulement nos biens spirituels mais aussi nos biens matériels.
Les besoins de notre prochain sont aussi les nôtres. Quelqu’un manque de travail ? C’est comme si je n’en avais pas. La maman d’un autre est malade ? Je l’aide comme si c’était la mienne. D’autres ont faim ? C’est comme si moi j’avais faim et je cherche à leur trouver de la nourriture, comme je le ferais pour moi.
C’est l’expérience des premiers chrétiens de Jérusalem : « La multitude de ceux qui étaient devenus croyants n’avait qu’un seul cœur et qu’une seule âme et nul ne considérait comme sa propriété l’un quelconque de ses biens ; au contraire, ils mettaient tout en commun ». Cette communion des biens, sans être obligatoire, était vécue toutefois entre eux intensément. Il ne s’agissait pas, comme l’expliquera l’apôtre Paul, de mettre quelqu’un dans la gêne pour en soulager d’autres, mais « d’établir l’égalité ».
Saint Basile de Césarée disait : « C’est à l’affamé qu’appartient le pain que tu mets de côté ; à l’homme nu le manteau que tu gardes dans tes malles ; aux indigents l’argent que tu tiens bien caché ». Et saint Augustin : « Le superflu des riches appartient aux pauvres ». « Les pauvres aussi ont de quoi s’aider les uns les autres : l’un peut prêter ses jambes au boiteux, l’autre prêter ses yeux à l’aveugle pour le guider ; un autre encore peut visiter les
malades. »
« Si quelqu’un a deux tuniques, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ; si quelqu’un a de quoi manger, qu’il fasse de même. »
Cela nous pouvons encore le vivre aujourd’hui, comme les premiers chrétiens. L’Évangile n’est pas une utopie. C’est ce que montrent, par exemple, les nouveaux mouvements d’Eglise que l’Esprit Saint a suscités pour rapporter la fraîcheur et l’aspect radical de l’Evangile tel que le vivaient les premiers chrétiens, afin de répondre aux grands défis de la société actuelle, où les injustices et la pauvreté sont si fortes.
Je me souviens du début du Mouvement des Focolari, lorsque le nouveau charisme nous enflammait d’un grand amour pour les pauvres. Lorsque nous les rencontrions dans les rues, nous notions leur adresse dans un carnet pour aller ensuite les aider. Ils étaient Jésus : « C’est à moi que vous l’avez fait ». Après les avoir visités dans leurs taudis, nous les invitions à manger chez nous. Pour eux, nous mettions la plus belle nappe, les meilleurs couverts, la meilleure nourriture. A notre table, dans le premier focolare, prenaient place côte à côte une focolarine et un pauvre, une focolarine et un pauvre…
À un moment donné il nous sembla que le Seigneur nous demandait de devenir pauvres pour servir les pauvres et tous les hommes. Alors, dans une pièce du premier focolare chacune a mis au centre ce qu’elle pensait avoir en trop : un gilet, une paire de gants, un chapeau, ou même un manteau… Et aujourd’hui, des entreprises inventent une autre façon de donner aux pauvres en leur distribuant une partie de leurs bénéfices et en créant des emplois.
« Si quelqu’un a deux tuniques, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ; si quelqu’un a de quoi manger, qu’il fasse de même. »
Nous avons tant de richesses à mettre en commun. En sommes-nous bien conscients ? Pour cela, nous devons former notre sensibilité, apprendre à aider concrètement, et vivre ainsi la fraternité. Nous avons de l’affection à donner, de la cordialité à manifester, de la joie à communiquer. Nous avons du temps à donner, des prières, des richesses intérieures à mettre en commun, de vive voix ou par écrit ; mais nous avons aussi parfois des objets, des sacs, des stylos, des livres, de l’argent, des maisons, des voitures à mettre à disposition… Nous accumulons peut-être beaucoup d’objets, pensant qu’ils nous seront peut-être utiles un jour. Mais en attendant, certains autour de nous en ont un besoin urgent.
De même que chaque plante n’absorbe que la quantité d’eau dont elle a besoin, cherchons nous aussi à n’avoir que ce qui nous est nécessaire. Et même si nous nous rendons compte qu’il nous manque quelque chose, mieux vaut être un peu pauvre qu’un peu riche. « Si nous nous contentions tous du nécessaire, disait saint Basile, et si nous donnions notre superflu à ceux qui en ont besoin, il n’y aurait plus ni riche ni pauvre. »
Essayons de vivre ainsi. Jésus ne manquera certainement pas de nous faire arriver le centuple ; nous pourrons continuer de donner. À la fin, il nous dira que tout ce que nous avons donné, c’est à lui que nous l’avons donné.